ANI – Le président Emmanuel MACRON, a prononcé le discours suivant lors de son entretien avec le président Joseph Aoun à Baabda.
« Monsieur le Président, cher Joseph, merci beaucoup et merci de votre accueil ici dans ce palais de Baabda. Merci pour vos mots pour la France. Je suis heureux d'être là et c'est une grande joie et une grande émotion de revenir quatre années après ma dernière visite. Quatre années après, vous l'avez rappelé, l'explosion tragique du port de Beyrouth, quatre années pendant lesquelles la France n'a cessé de se tenir aux côtés du Liban dans ces heures si difficiles. Quatre années qui, pour autant, font que nous n'oublions personne et nous n'oublions rien. Et vous avez eu des mots à l'instant très forts dès les premiers jours et j'étais au milieu, il y a un instant, des Libanaises, des Libanais qui veulent en effet la justice et qui pleurent encore leurs blessés et leurs disparus. Vous avez rappelé tout à l'heure la force de ce message et de ce Liban qui espère, qui résiste et vous incarnez cet espoir aujourd'hui. Monsieur le Président, en vous portant à la tête de la présidence de la République le 9 janvier dernier, avec une très large majorité, les députés libanais ont mis fin à plus de deux ans de vacances à la tête de l'État. Et en désignant, là aussi, largement, le 13 janvier un nouveau président du Conseil des ministres, Monsieur Nawaf SALAM, ils ont confirmé cette demande de changement et placé le Liban résolument sur la voie du redressement. Depuis le 9 janvier dernier, en plein milieu de l'hiver, le printemps est apparu. Et vous êtes cet espoir. Et le Premier ministre désigné concrétise cet espoir à vos côtés. Alors, Monsieur le Président, la France qui a été aux côtés du Liban pendant ces années si difficiles où il y avait peu de fleurs, s'engagera encore davantage à vos côtés, aux côtés des Libanaises et des Libanais pour vous aider à réussir sur ce chemin. Ce que vous incarnez est essentiel, c'est en effet la possibilité d'un nouveau chemin, d'un nouveau pacte, d'une nouvelle voie. Et je dois dire qu'avec beaucoup d'autres, je l'espérais depuis en effet plus de 4 ans. Je connais votre détermination, je sais que vous ne laisserez pas cet espoir qui se lève, se perdre à nouveau dans les sables mouvants, des arrangements. Et vous l'avez dit dans votre discours au Parlement, c'est l'heure de vérité, celle d'une nouvelle ère, celle d'un changement de comportement politique, d'un retour de l'État au bénéfice de tous. La France, et je crois toute la communauté internationale, que je m'engage à continuer à mobiliser comme nous l'avons fait, souvent bien seule ces dernières années, vous soutiendra en ce sens. Quelques jours après être venus à vos côtés, en août 2020, nous avons mobilisé la solidarité internationale pour aider à reconstruire. J'ai vu le travail exceptionnel de tant d'organisations non gouvernementales, de Libanaises et de Libanais qui ont reconstruit et résisté. Puis, nous avons ces derniers mois mobilisé la communauté internationale lorsque la guerre à nouveau est revenue dans le pays, lorsque vous avez subi ces bombardements terribles à l'automne et au début de l'hiver, et que nous avons aidé pour l'action humanitaire et le soutien aux forces armées libanaises. Alors oui, dans ce moment que nous vivons, nous vous soutiendrons. Et nous soutiendrons d'abord votre objectif d'un Liban souverain et d'un État à même d'exercer cette souveraineté partout sur le territoire. C'est, je crois, le premier objectif que vous portez et il est essentiel. C'est la condition pour préserver le Liban des ingérences et des agressions diverses. Alors que la région connaît de profonds bouleversements, c'est aussi une condition pour pérenniser le cessez-le-feu, conclu avec Israël. L'accord de cessez-le-feu, nous le savons ici, que nous avons porté avec le président BIDEN le 26 novembre dernier, a marqué la fin d'un engrenage de violence insupportable qui a causé de trop nombreuses souffrances pour les populations civiles des deux côtés de la frontière. Plus de 1 300 0000 déplacés au Liban, plus de 400 000 morts. C'est un succès diplomatique précieux qui a permis de sauver des vies et que nous devons consolider. Le mécanisme de surveillance dont la France fait partie doit permettre une application stricte des engagements pris par les autorités israéliennes et libanaises dans le cadre de l'accord et dans les délais prévus. J'ai pu faire le point ce matin avec le commandement français et américain. Des résultats ont été obtenus. Un premier retrait israélien opéré à l’ouest, mais ils doivent s’accélérer, se confirmer dans la durée et il faut un retrait total des forces israéliennes, un monopole total de l'armée libanaise sur les armes. C'est pourquoi nous soutenons, je le redis ici avec force, la montée en puissance des forces armées libanaises et leur déploiement dans le sud de pays. Les forces armées libanaises constituent un pilier de la souveraineté du Liban, un acteur indispensable pour faire respecter le cessez-le-feu, et il faut donc continuer à accélérer le recrutement, consolider l'appui international en matière d'équipement, de formation, de soutien financier. Vous savez le soutien de la France. Je sais aussi que nos amis d'Arabie Saoudite, du Qatar et dans toute la région sont prêts à faire davantage et je souhaite que nous puissions continuer. La France, en tout cas à titre bilatéral, avec notamment un nouveau centre de formation, formera 500 soldats libanais et avec ses partenaires européens et du Moyen-Orient au sein du Comité militaire technique, continuera d'avancer. L'Union européenne annoncera aussi rapidement un double effort au profit des forces armées et des forces de sécurité libanaise à hauteur de 130 millions d'euros pour 2025. Enfin, l'action de la FINUL doit être renforcée pour qu'elle puisse exercer son mandat. Le secrétaire général des Nations unies est en ce moment même à Naqoura pour en discuter, je le verrai tout à l'heure. Des efforts sont en cours avec les pays contributeurs de troupes et les autorités libanaises. La France y participe activement, avec 80 personnels supplémentaires spécialisés en génie, qui sont venus s'ajouter aux 750 soldats français déjà déployés. Je veux à nouveau ici défendre et louer le travail de la FINUL, son rôle incontournable dans l'application de la Résolution 1701, dont l'accord de cessez-le-feu rappelle avec force la pertinence. Il ne faudra pas s'arrêter là et nous travaillerons avec vous à la démarcation de la ligne bleue pour dégager une solution pérenne au bénéfice de la sécurité de tous. Vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, cette souveraineté ne concerne pas que le sud du Liban. Vous avez souligné combien le contrôle des autres frontières, notamment dans le contexte du bouleversement en cours en Syrie, constitue aussi un enjeu majeur. Vous avez posé cet objectif de monopole des armes sur tout le territoire et de la définition d'une stratégie de défense nationale. Ce projet est le seul possible, le seul pour éviter que des désordres bien connus ne réapparaissent. Ce projet ambitieux, nous le soutiendrons, comme nous l'avons fait lors de la conférence internationale du 24 octobre dernier à Paris, et nous le soutiendrons dans la durée. Ceci passe aussi par le redressement d'un Liban prospère au bénéfice de tous. C'est le deuxième objectif et notre deuxième engagement. D'abord, la constitution d'un gouvernement rapide, de toute évidence. Le temps aussi, et je sais que toutes les forces politiques seront dans un esprit de responsabilité pour vous accompagner et accompagner le Premier ministre, et nous verrons tout à l'heure aussi le président de l'Assemblée, que je sais mobilisé à vos côtés pour trouver ces solutions, et je l'en remercie. Mais de toute évidence, le temps de l'urgence humanitaire n'est pas révolu. La France veille à ce que les engagements pris le 24 octobre à Paris soient tenus et qu'ils se traduisent matériellement au profit des populations déplacées par la guerre. À ce jour, plus des deux tiers des dons ont été versés sur les 800 millions de dollars promis. Et pour sa part, la France a déjà versé 83 millions d'euros sur les 100 promis et finalisé mi-décembre la livraison de 100 tonnes d'aide. Mais au-delà des réponses d'urgence, la communauté internationale doit anticiper un soutien massif à la reconstruction des infrastructures, des habitations détruites par la guerre, tout particulièrement au Sud, où le million de déplacés libanais sont rentrés pour trouver leurs maisons et leurs villages réduits en cendres. Nous l'avons évoqué, dès que le Président viendra à Paris dans quelques semaines, nous organiserons autour de lui une conférence internationale pour la reconstruction afin de mobiliser les financements à cette fin. La France sera à vos côtés avec l'Europe et toute la région pour mobiliser les amis du Liban. Et je sais aussi que vous aurez une grande vigilance pour que le cadre politique soit clair et que la manière de distribuer cette aide et les modalités de la reconstruction permettent de garantir une gouvernance transparente au service de la population et des territoires. Au-delà de la reconstruction, les réformes attendues sont connues. Vous les portez, vous les défendez. Celles de la justice, tant attendues par nos compatriotes, la réforme bancaire, la réforme du marché de l'énergie, la lutte contre la corruption. Toutes ces réformes nécessaires, c'est le Gouvernement à venir qui le portera. Elles sont indissociables de cette reconstruction. Et là aussi, la France sera à vos côtés pour aider à les conduire. Et je sais que vous saurez choisir des responsables exemplaires pour les mener. L'ensemble de ces points doit servir le troisième objectif, celui d'une nation libanaise réconciliée et unie, unie dans son pluralisme. Vous convoquiez à l'instant Renan et le général de Gaulle, monsieur le Président, cher Joseph. Ils portent cette vision d'une France où la citoyenneté vaut plus que toutes les appartenances. Et au fond, la plus grande des appartenances est celle à une République qui croît dans l'universel. Ce que vous portez est cette promesse. Celle d'un pluralisme qui respecte toutes les religions, toutes les communautés et leur donne à chacune sa place. Mais derrière ce pluralisme, c'est le service d'une unité, celle d'une nation qui fait un, dans laquelle les citoyens sont plus grands que celles et ceux qui appartiennent à chaque communauté. Ça n'est que dans cette unité et ce pluralisme réconcilié que le chemin est possible. Et c'est d'ailleurs en cela, et parce que le Liban porte dans ses gènes cette promesse, que j'ai toujours rappelé que votre pays était plus grand que lui-même, parce qu'il porte en effet, loin peut-être de ces moments sombres que reconvoquait Genet dans la citation que vous avez reprise, la possibilité d'une vie ensemble dans la région. Le Liban est la promesse qu'il y a une autre voie que le repli ethnique ou religieux, celle d'une citoyenneté réconciliée. C'est cet espoir que vous portez, c'est cet espoir que vous défendez. Et je forme le vœu, précisément, que les réformes à venir, les projets politiques que vous aurez apportés, s'inscrivent dans ce droit fait.
================D.CH.